Musiques Immédiates

JETTATORE
Au fond du ciel

 

 

 

Décidément La Voix des Sirènes et Musiques Immédiates prennent de l’altitude puisque après le remarquable «L’Ascension du Mont Camping» par Maquisard Acoustique, le sixième opus de Jettatore, réalisé dans la montagne pyrénéenne, se révèle d’une sensibilité aérienne tout en échos subtils, sorte de nappe ouatée que l’on devine parfois au fond du ciel.
On aurait tort de croire pour autant que les estives ont apaisé le jeteur de sort.
Les premiers accords dissonants nous rassurent sur le dispositif implacable qui fait le sceau de ses albums. On sait d’où il vient et surtout où il ne veut pas aller. Pour le reste, ses sortilèges sont autant de voies à explorer, de chemins dont il nous faut prendre le risque de découvrir qu’ils ne nous mènent nulle part, sinon à nous même, dans l’évanescent éclat ontologique de l’ouvert.
«Escarpements rocheux, ruisseaux limpides qui méritent une visite».
Jettatore est perspicace dans ses errances d’hérétique, dans son folk désaxé façon Animal Collective, savamment rythmé par des enjambements diaboliques comme sur « On m’a dit ». S’il est bien ce qu’il dit et dit ce qu’il est, on appréciera sa volonté de rupture, de démarcation affirmée, d’inattendu aussi : « La ronde des enfants », telle l’ivresse des altitudes, nous prend dans sa ritournelle façon Murat et l’on découvre alors que le jeteur de sort dont on a pu craindre les envoûtements sait aussi enchanter le monde…
Pas que des machines, non ! Encore fallait-il se frotter au climat pyrénéen pour s’en convaincre, se laisser envelopper par la brume mystérieuse de cette terre d’Oc et livrer ici une des meilleures partitions qu’il n’ait à ce jour réalisé. De la grande œuvre !

 

R. D. 7 octobre 2006